Couverture de « L'échelle des mots »

(Extrait de la thèse de doctorat d'Alexandre Koutschevsky, « À l'échelle des mots : l'écriture théâtrale brève en France (1980-2007) », Université Rennes, 2007.)


Impulsions de départ


Difficile aujourd’hui de se repérer par rapport à des grands récits, des récits collectivement structurants : le Christianisme, le Communisme, la Révolution…

Les grands récits se sont effondrés, disloqués. Ils courent après leur ombre.

Quoi faire quand on ne peut plus s’appuyer sur de grands récits pour construire la trame collective ? Inventer Internet ? Ériger le libéralisme économique en grand récit planétaire ?

La publicité œuvre dans ce sens en fabriquant des micro-récits, parfois excitants, qui racontent la transformation de tout, êtres humains compris, en marchandises, en produits de consommation. La publicité invente un style. On abandonne à la publicité le champ des micro-récits politiques.

J’ai voulu entrer dans le champ des micro-récits. On peut se réapproprier la question du récit. C’est une question qui intéresse le dramaturge, une question qui le fonde.

Le récit de Brecht peut encore s’adosser au communisme (celui de Heiner Müller se fragmente), le récit de Claudel peut encore s’adosser au catholicisme ("Je suis un homme catholique").

Et le nôtre ? À quoi s’adosse-t-il ?

Récits de Naissances renoue avec l’utopie d’une œuvre collective construite comme un archipel. Une oeuvre qui travaille la notion de communauté tout en garantissant l’identité de chacun, sa signature.

Récits de Naissances fait le pari d’une partition collective de textes dont les sens articulés produiront un sens qui excédera l’addition des sens individuels.

Roland FICHET[1]


Les « Naissances » est le nom générique d’un projet littéraire et théâtral mené par le Théâtre de Folle Pensée (basé à Saint-Brieuc) de 1991 à 2002. Cette appellation a pris au fil des ans des couleurs particulières qui ont donné leurs titres aux spectacles : Récits de Naissances (1993), La Nuit des Naissances (1993), Actes de Naissances (1994), Scènes de Naissances (1995), Naissances/Nouveaux Mondes (1998), Naissances/le Chaos du nouveau (2000), Naissances et Chaos (2001)[2].

Tout commence en juin 1990 lorsque Roland Fichet invite à Saint-Brieuc des acteurs et des metteurs en scène pour un chantier-laboratoire : trois mises en scène de sa pièce Terres promises. Le désir des Naissances naît ici, dans cette communauté de travail. L’année suivante, à Binic, dans les Côtes d’Armor, auteurs, metteurs en scène, acteurs se réunissent pour partager leurs rêves de théâtre. On retrouve là une partie des futurs participants aux Naissances, dont le traducteur André Markowicz[3] ou le metteur en scène Robert Cantarella qui raconte ici comment il a vécu cette première étape de réflexion et de partage :

Il y avait une part de sensualité qui venait du fait que Roland Fichet proposait à des personnes, dont moi, de se mettre à l’écart de ce qu’était la norme. La norme c’était : une compagnie à gérer, de l’argent à trouver, des textes à choisir, des acteurs à convaincre, etc. 80% de l’activité d’un metteur en scène de compagnie étant un rôle d’entrepreneur. Et lui proposait de se mettre à l’écart de ça, de s’entretenir un peu entre nous, si possible dans un endroit agréable – ça a été Binic – si possible dans une façon de se partager ensemble des idées et, encore une fois, des sensualités puisqu’on avait tout de suite la possibilité de mettre à l’épreuve des expériences issues des textes[4].

Cette pratique — réunir des metteurs en scène, des auteurs, des acteurs, sur une durée d’une à deux semaines afin d’entendre comment chacun vit son métier et formule ses questions — constitue une véritable méthode de travail pour Roland Fichet. On retrouve de telles sessions de partage de la réflexion et du désir tout au long de l’histoire du Théâtre de Folle Pensée, et il est rare qu’elles ne débouchent pas sur un projet de spectacles (comme les Naissances en 1991-1993 ou plus récemment les Pièces d’identités en 2003-2004)[5]

 

La commande initiale, les commandes suivantes

Dès janvier 1991, Roland Fichet commande les premiers textes à des écrivains de plusieurs nationalités : « Écrivez votre naissance », c’est ainsi qu’est formulée la commande[6], à laquelle est liée une contrainte de durée : il est souhaitable que les textes fournis ne dépassent pas vingt minutes. Cependant, il s’agit bien de donner un ordre d’idée aux auteurs, comme le précise le commanditaire :

Je disais aux auteurs : c’est de l’ordre de vingt minutes, une demi-heure. Mais je précisais également que les textes pouvaient aussi durer deux ou trois minutes ou qu’il était possible d’écrire cinq textes de quatre minutes[7].

L’important était donc que les auteurs comprennent qu’il ne fallait pas faire long mais qu’en même temps leur texte ne serait pas forcément mis à l’écart s’il durait dix minutes ou quarante minutes. Ainsi Coucou ! d’Alfonso Zurro, reçu par le Théâtre de Folle Pensée en 1998, dure entre cinq et dix minutes en lecture, Les Cendres et les lampions de Noëlle Renaude, reçu en 1992, environ une vingtaine de minutes, Vous êtes tous des fils de pute de Rodrigo Garcìa, reçu en 1998, environ cinquante minutes, et La douzième bataille d’Isonzo d’Howard Barker, reçu en 1999, plus d’une heure[8]. Quant à Philippe Minyana il écrit Reconstitution dont le principe est d’être repris en boucle jusqu’à épuisement des spectateurs, ce que Robert Cantarella et Julie Brochen se sont chargés de mettre en oeuvre en 1998[9].

Arrêtons-nous un instant sur l’intitulé de la commande « Écrivez votre naissance ». L'idée était alors de trouver une impulsion thématique suffisamment ouverte et puissante pour être proposée à des auteurs de plusieurs horizons, langues, nationalités ; une impulsion qui mêle étroitement intime et universel. Par ailleurs, le concept de naissance — et cela était précisé aux auteurs par le commanditaire — devait aussi permettre à ces derniers de se sentir libres de proposer des formes inhabituelles, de prendre le risque du nouveau dans leur écriture, de donner naissance à des formes d’écriture et de théâtre qui ne leur soient pas familières. Il s’agissait donc également de s’emparer de la naissance comme moteur, embrayeur symbolique. Ce souhait s’est plus ou moins concrétisé en fonction des auteurs sollicités. À cet égard il est intéressant de citer les propos de Noëlle Renaude pour qui l’écriture des Cendres et des lampions a revêtu une importance particulière dans son parcours d’auteur(e) :

C’est la thématique qui m’a donné envie d’écrire, d’ailleurs je n’ai pas joué le jeu de la brièveté, ce n’est pas une pièce très longue mais elle débordait le cadre. Les Cendres et les lampions c’est la pièce la plus proche de moi, elle met à jour une question essentielle qui est non pas : je suis née parce que tous ces gens-là ont vécu avant moi, mais : tous ces gens qui ont vécu avant moi m’ont légué l’écriture, voilà comment est née pour moi l’écriture, et voilà pourquoi j’écris ce que j’écris. Raconter pourquoi, comment, et ce que j’écris, d’où ça vient, c’est plus complexe finalement que de raconter comment on est venu au monde. […] Ce que je voulais en écrivant Les Cendres et les lampions, c’était raconter une somme, une chronologie par cette accumulation de fragments, cette multiplication de voix. C’était la vraie commande de Roland : le récit d’une naissance, un récit absolument ordonné même s’il est fait de tronçons[10].

Rodrigo Garcìa a quant à lui interprété la naissance à sa façon :

J’avais compris la commande comme une chose très large, poussant à parler de la naissance et de la mort. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai effectué, seul en hiver avec ma voiture, un voyage au Portugal, durant lequel j’ai écrit comme un carnet de route. Ce texte rassemblait des morceaux de la vie d’une personne, c’est-à-dire située entre la naissance et la mort. Ça me plaisait bien qu’il y ait un côté un peu autobiographique. Évidemment, après, j’ai réintroduit du mensonge[11].

Enfin, le fait que la commande soit formulée par un auteur a eu pour effet d’inscrire ce dernier dans un système de réponse aux textes qu’il recevait. C’est ainsi que l’écriture des autres a fait écrire Fichet :

J’ai écrit les 17 petits textes de la première série des Naissances en 1993, parce que je recevais des autres auteurs des textes sur la naissance qui étaient des récits sombres, voire sinistres. J’avais envie de parler de ce qui dans la naissance échappe énormément, en particulier dans la naissance au cours de la vie, la résurrection[12].

Dernière caractéristique importante de cette commande : Fichet demandait « un texte pour le théâtre » et non pas spécifiquement « une pièce de théâtre ». Précision utile permettant d’ouvrir le jeu, d’élargir le champ des modèles d’écriture, pour, au bout du compte, éviter de ne recevoir que des drames en miniature, des saynètes, des petits actes. La formulation « écrivez votre naissance » a d’ailleurs mené vers de nombreux récits : au point que le premier spectacle regroupant les textes issus de cette première vague de commandes s’est intitulé :  Récits de Naissances ; et que le projet Naissances a lui-même souvent été appelé « Les Récits de Naissances » au cours de sa décennie d’existence. Cette place importante du récit dans le corpus des textes reçus traduit aussi le désir d’épique des auteurs sollicités, comme en témoigne ici Noëlle Renaude :

« Récit de Naissance », les deux injonctions m’excitaient : la naissance et le récit. Ce qui était fondamental pour moi alors, c’était la problématique du récit au  théâtre. […] Le récit, j’y avais déjà travaillé en 1987, mes premières pièces interrogeaient le discours narratif opposé au discours proprement théâtral[13].

Par la suite, deux nouvelles commandes sont intervenues au cours du projet : en 1995 « Ce qui naît, ce qui meurt. Écrivez les mondes qui naissent, l’homme qui vient » et en 1999 « Écrivez le chaos du nouveau ». La commande de 1995 a pour but de pousser les auteurs à s’emparer du futur proche. Celle de 1999 appelle à saisir le présent, ce qui brûle aujourd’hui. On pourrait donc en déduire que la toute première commande incitait à se tourner vers le passé. Mais une analyse des textes reçus en réponse à ces trois commandes n’autorise pas une classification aussi sommaire. Si l’on peut remarquer que les quelques soixante textes reçus pour la première commande s’efforcent tous de traiter la thématique de la naissance, on ne peut pas dresser le même constat pour les textes qui répondent aux deux commandes suivantes. Ceci est dû au caractère moins restrictif des énoncés de 1995 et 1999. Les commandes de 1995 et 1999 ne mentionnent pas la figure de l’auteur comme celle de 1991 : « votre » naissance[14]. Par ailleurs, « ce qui naît, ce qui meurt, les mondes qui naissent, l’homme qui vient » et « le chaos du nouveau » sont des formules généralistes et imagées, autorisant, incitant même, aux interprétations les plus particulières. Au bout du compte, le corpus Naissances regroupe 155 textes écrits par 99 auteurs originaires de 23 pays. 97 textes écrits par 48 auteurs originaires de 17 pays ont été créés sur scène. Effectuant une recherche systématique via Internet sur les éditions de ces textes en 2002-2003, nous[15] avons constaté que plus des deux tiers étaient édités. Soit dans leur pays d’origine, soit dans leur traduction en langue française. Reprenant cette recherche systématique en 2005-2006 je suis arrivé au chiffre d’environ 75% de textes édités. Ce qui laisse à penser que ces textes continuent à mener leur vie propre plusieurs années après avoir été commandés, écrits, et montés pour l’immense majorité d’entre eux.

 

Le fonctionnement sur onze ans, la machine de production

La philosophie du projet des Naissances peut se résumer en deux mots : devenir contemporain. Ne pas cesser sur une décennie de devenir contemporain, c’est-à-dire de se tenir sans cesse aux aguets de ce qui s’écrit, se monte, se joue, de ce qui s’invente au théâtre. J’emploie l’expression « devenir contemporain » parce qu’il me semble qu’elle désigne assez bien la volonté des organisateurs des Naissances de s’interroger régulièrement sur la pertinence des formes artistiques mises en oeuvre (textes, mises en scène, disciplines convoquées). Paradoxalement, en apparence, cet exercice de devenir contemporain impliquait de durer, de ne pas entrer dans le système du spectacle qui, à peine créé, disparaît, soufflé par l’exigence de la nouveauté. Les grands principes sont ainsi restés les mêmes sur les onze années : commande de textes de format court, invitation de plusieurs metteurs en scène, recrutement d’acteurs souvent jeunes et sortant des écoles de formation, spectacles déambulatoires dans des lieux inhabituels. Des textes créés au début du projet ont été recréés à la fin de la décennie, une communauté d’acteurs et de metteurs en scène s’est constituée sur ces onze années, une culture et une mémoire communes ont circulé de spectacles en spectacles[16]. Non pas que l’on retrouvait systématiquement les mêmes artistes à toutes les créations, mais des fidélités se sont instaurées : Robert Cantarella et Annie Lucas pour les metteurs en scène étaient présents à toutes les étapes. La comédienne Monique Lucas a également participé à tous les spectacles. Jean-Marie Piemme ou Michel Azama ou bien encore Paol Keineg ont écrit plusieurs textes pour les Naissances. Des rencontres ont eu lieu entre metteurs en scène et comédiens, comme Stanislas Nordey et Laurent Meininger par exemple en 1999, qui depuis travaillent régulièrement ensemble. Enfin, il s’est créé une communauté de spectateurs qui venait régulièrement aux spectacles Naissances comme à un rendez-vous inhabituel et festif[17].

Les spectacles se sont en effet beaucoup pensés, constitués et vendus sur la notion d’événement : la profusion de textes d’origines et de factures variées, la diversité des formes scéniques, des artistes réunis (auteurs, acteurs, metteurs en scène, scénographes, marionnettistes…), les modes d’intégration du public (pratique du déambulatoire permettant la découverte d’un théâtre dans ses moindres recoins), le fait que les créations étaient systématiquement accompagnées de nombreuses rencontres publiques avec les artistes (auteurs, acteurs, metteurs en scène), tout cela a contribué à faire des spectacles Naissances des événements. La Nuit des Naissances en 1993, au festival d’Avignon, embarquait ainsi les spectateurs pour un parcours jusqu’à l’aube dans la Chartreuse ; les acteurs jouaient dans le théâtre de Nîmes dont le parterre avait été transformé en piscine lors des Naissances/nouveaux mondes en 1998. Enfin, il faut souligner le fait que ces spectacles ont toujours été accompagnés, commentés par des équipes dramaturgiques, productrices de revues, analyses, entretiens, bref, garantes de la mémoire et de la mise en réflexion de cette aventure théâtrale[18]. Dans ce même esprit d’analyse et de mise en perspective, sept « Conversations » ont été organisées de juin 1991 à juin 2000[19]. Ces Conversations se sont déclinées de plusieurs manières : temps de réflexion et d’analyse dramaturgique regroupant seulement des participants aux Naissances (auteurs, acteurs, metteurs en scène, dramaturges) comme à Binic en 1991 et en 2000, ou bien moments de réflexions ouverts au public et sollicitant des intervenants de disciplines extérieures au théâtre (scientifiques, philosophes, politiques, etc.) pour débattre des questions soulevées dans les textes et les spectacles, en s’appuyant notamment sur les intitulés des commandes, comme les Conversations de Villeneuve d’Ascq en 1995, organisées conjointement avec la scène nationale de la Rose des Vents, et dont une partie des actes est publiée dans un numéro spécial des Cahiers de Prospéro[20].

La production des spectacles Naissances, qui réunissaient régulièrement des équipes d’une trentaine de personnes, nécessitait à chaque nouvelle étape de création de trouver des partenaires institutionnels et financiers solides. Conventionné par l’État, la Région Bretagne, le Département des Côtes d’Armor et la ville de Saint-Brieuc depuis 1991, soit le début de l’aventure des Naissances, le Théâtre de Folle Pensée avait aussi besoin du soutien matériel[21] et financier des Scènes Nationales et des Centres Dramatiques Nationaux[22]. Des Récits de Naissances en 1993 à Saint-Brieuc, à la dernière représentation à Duke aux États-Unis, en Caroline du Nord, en 2002, ce sont 286 représentations qui ont été données devant 25 669 spectateurs.

Toutefois ce nombre de représentations doit être détaillé. En effet, lorsque nous avons commencé l’analyse des Naissances, nous nous sommes demandé[23] comment rendre compte de l’ensemble des représentations ; nous avons alors inventé les « représentations-cellules » : une représentation-cellule désigne le fait de jouer un texte devant un groupe de spectateurs. Une représentation des Naissances est constituée d’un ensemble de textes de format court auxquels les spectateurs assistent par petits groupes (parfois tous ensemble quand la scénographie le permettait), ce qui amène les acteurs à jouer plusieurs fois dans la soirée les mêmes pièces. Si l’on s’en tenait à la billetterie légale (les 286 représentations) on ne disposerait d’aucun outil permettant de mesurer ce foisonnement de textes, de mises en scène et de prestations d’acteurs (ces derniers changeaient de rôle plusieurs fois par soirée). Ainsi, quand on multiplie le nombre de textes créés par le nombre de fois où chacun d’entre eux a été représenté devant un public, on obtient le chiffre de 2558 représentations-cellules.

Enfin, il faut expliquer en quelques mots le principe de fonctionnement général du travail artistique au cours de ces onze années. Roland Fichet sollicite, avant chaque nouvelle étape de création, les metteurs en scène, les auteurs proches (Jean-Marie Piemme, Michel Azama), les dramaturges et des comédiens pour lire les nouveaux textes reçus en réponse à la commande du moment. Au bout de ces journées de lectures et de discussions intensives, des choix commencent à se dégager au sujet des textes qui vont être montés, par qui, et éventuellement, avec qui, quand les metteurs en scène connaissent déjà les comédiens. À chaque fois l’alchimie se fonde sur une association étroite entre les artistes qui sont déjà venus aux Naissances, qui ont déjà participé, et les nouveaux arrivants. C’est la règle du jeu, acceptée par les metteurs en scène, que de ne pas connaître d’avance tous les comédiens avec lesquels ils vont devoir travailler. Certains metteurs en scène « apportent » leurs comédiens, comme Jean-Michel Rabeux qui fait venir Anne Rotger en 1995 pour la création à Villeneuve d’Ascq. Mais on peut aussi trouver le cas inverse comme Stanislas Nordey en 1999, qui souhaite d’emblée travailler avec tous les acteurs présents qu’il n’a jamais rencontrés[24]. Les acteurs des Naissances ont eu bien sûr un rôle décisif dans la bonne marche du projet. Comme la façon de mettre en scène qui devait être repensée en fonction notamment de la poétique globale du parcours, la façon de jouer devait elle aussi s’adapter non seulement au système du déambulatoire mais aussi à la spécificité des textes à représenter, ce que note Roland Fichet :

Dès qu’on entre dans les formes brèves le style de la pièce de théâtre devient impur, par exemple les acteurs sont des personnages, des interprètes, des figures, des messagers… mettre du chaos dans les styles, les formes, les rythmes, ça peut ouvrir le théâtre. Ça peut libérer l’interprète qui doit faire appel à sa virtuosité. Les Naissances sont un manifeste de mise en scène autant que d’écriture. Il a fallu inventer un entraînement spécifique pour les acteurs[25].

On peut compléter cette description du rôle de l’acteur dans les spectacles Naissances avec Jean-Marie Piemme :

La participation de l’acteur est valorisée. Plus que jamais, on a besoin de sa vivacité, de son inventivité, de sa capacité à entrer dans des univers et à en sortir, on le veut pleinement investi dans son jeu mais jamais englué dans ses personnages. Il doit pouvoir travailler vite, se diversifier sous la pression des circonstances, des textes et des metteurs en scène, il doit faire théâtre de ce qui lui tombe sous la main. Le sens de l’hétérogène, l’amour de la contradiction, le plaisir du montage sont les ressorts fondamentaux d’une certaine idée du théâtre contemporain, ce sont aussi les qualités requises chez les comédiens des Naissances[26].

Enfin, il convient de signaler cette petite particularité induite par le mode déambulatoire : le comédien guide. En effet, entre chaque spectacle il fallait guider les spectateurs d’un lieu à un autre du bâtiment théâtre. Des personnages de guide ont donc régulièrement trouvé leur place dans les spectacles Naissances. Les comédiens guides ont toujours travaillé une partition spécifique entre leur rôle d’accompagnement du public et la possibilité qu’ils avaient d’interpréter de très courts textes dans les phases d’attente ou de déplacement. Cette façon de distiller quelques mots aux spectateurs aux moments de transition a pu produire des effets assez puissants comme lors du Chaos du nouveau, en mars 2000, quand Angélique Clairand passait, les yeux fermés, parmi les spectateurs dans un couloir, s’approchait d’eux, les touchait à la manière d’une aveugle et disait :

Je suis l’enfant qui a donné ses yeux à un petit Américain.
On ne m’a pas demandé mon avis.
Je ne suis pas très beau, excusez-moi[27].

C’est un avantage des textes ultra-courts que de pouvoir se dire entre deux portes, en quelques secondes, dans un passage. Le spectateur est pris au dépourvu, il n’y a pas de préliminaires, le texte se donne sans crier gare, à peine entendu déjà éteint. Il est certain que cette sensation d’éphémère participe grandement à l’émotion spécifique que peut produire la brièveté.

 

Le rôle du bref dans les Naissances

La question de la brièveté constitue un point important qui sous-tend clairement le projet artistique des Naissances, tel que voulu par son concepteur. Mais cet appel au format court, dans les commandes et les spectacles, traduit en fait l’ambition beaucoup plus profonde de faire bouger les processus théâtraux traditionnels, de l’écriture à la réception en passant par la mise en scène et le jeu de l’acteur. Comme l’explique ici Roland Fichet, la forme brève dans les Naissances possède avant tout une valeur de déstabilisation, de mise en branle des dispositifs existants :

À l’origine des Naissances, il y a un doute : il m’a semblé qu’on entendait mal les grands récits, qu’ils n’apparaissaient que comme la célébration de quelque chose qu’on avait déjà entendu, que comme une répétition liturgique sans réel impact ici et maintenant. On joue les grandes pièces (les pièces classiques) plus pour les célébrer et vérifier l’état du « dépôt de culture » que pour leur capacité à condenser et à traduire le réel. Est-ce que nous partageons autre chose qu’une émotion indexée à un patrimoine, à une mémoire et à des valeurs dûment estampillées ? Devant un grand vin avec étiquette fameuse, année d’exception, renommée, on ne peut que ressentir l’émoi gustatif que tout nous pousse à ressentir. Qu’est-ce qui, pourtant, pourrait être ressenti qui ne l’est pas ? L’oeuvre d’un auteur contemporain n’est pas estampillée chef-d’oeuvre, elle n’a pas d’histoire, n’a-t-elle pas pour autant la capacité de faire entendre les grands récits ?

J’ai cherché la réponse du côté de dispositifs à géométrie variable. Des dispositifs d’écriture et des dispositifs de mise en scène se sollicitant et se provoquant mutuellement. De la page à la scène et de la scène à la page : aller retour constant. J’ai constaté que la circulation des flux se faisait mieux si on se trouvait devant des récits ouverts, éparpillés, qu’il fallait ensuite agencer. De la même façon, je me demandais comment mettre en mouvement les corps des acteurs, des spectateurs. Dès le moment de l’écriture, je trouvais intéressant que les auteurs sachent que leur texte pouvait durer cinq minutes mais que le spectacle pouvait durer douze heures, et s’adresser à cinq spectateurs ou à six cents. Ces questions étaient ouvertes. La notion de dispositif induit une insistance sur la forme, sur le diagramme à partir duquel on va générer le texte et/ou le spectacle. Le mot « dispositif » souligne le goût que j’ai de mettre en place des formes qui dessinent un cadre et une dynamique d’écriture qui trouvent un champ opératoire. Par exemple les Petits chaos, 25 courts textes disposés côte à côte.

La forme dramatique, à partir des instances constitutives du théâtre, ne cesse de s’inventer de dispositif en dispositif. Ces dispositifs dramatiques permettent de déborder les définitions de texte court, texte long, petite pièce, grande pièce et même les identités des auteurs[28].

Plusieurs points sont à relever dans ces propos de Roland Fichet. À commencer par l’articulation des « grands récits » à la question de leur bonne réception. Ces derniers auraient perdu de leur puissance d’impact à force d’être ressassés. Comme ossifiés dans leur relation au public, leur substantifique moelle ne parviendrait plus ou mal. Or, ces « grands récits » (véhiculés par les pièces du répertoire) ont tous un point commun : ils se déploient par le biais de formats longs. Les pièces de répertoire durent toujours un temps certain. Cela nous ramène aux réflexions menées au début de cette étude où l’on s’interrogeait sur le rôle et la place qu’avaient eu dans l’histoire les formes brèves. De fait, l’ébranlement des grands récits, appelé de ses vœux par Fichet, passe par une redistribution des rôles et des places : la forme brève doit pouvoir à sa façon faire réentendre les grands récits traditionnellement laissés à la charge des formats longs.

Ce qui n’apparaît pas dans les propos de Roland Fichet, c’est que cette hypothèse de faire endosser aux formats courts une part de la charge (émotionnelle, narrative, etc.) des grands récits n’a de sens que dans la mesure où ces grands récits sont communément partagés, diffusés, font partie d’un savoir et d’un inconscient collectifs. Nous avons montré dans les chapitres précédents comment les auteurs s’appuyaient sur ce phénomène en analysant les multiples effets d’ellipse, d’implicite, à l’oeuvre dans beaucoup de textes brefs. Or, ce que souhaitait Roland Fichet pour les Naissances, c’est que les représentations elles mêmes remettent en jeu ces questions par le biais de « dispositifs à géométrie variable ». Qu’aux ensembles de textes brefs (réponses aux commandes), moyens d’appréhension du monde par le morcellement, la rapidité, la concentration, l’intensité, correspondent des spectacles capables eux aussi d’inventer des façons de dire ce monde sans avoir à repasser par les codes de représentation des textes de répertoire, ou, à tout le moins, en déjouant, déplaçant ces derniers. Il s’agissait donc de s’emparer de la forme brève autant pour ses capacités à faire ressentir des émotions, à raconter des histoires, de manière dynamisante, rafraîchissante pourrait-on dire, que pour la façon dont elle poussait à réorganiser les codes de la représentation théâtrale. Cette réorganisation passait pour Fichet par une exigence et une confiance dans les « dispositifs », c’est-à-dire, fondamentalement, une confiance dans la structure formelle. Cette structure formelle — que Roland Fichet appelle aussi le « diagramme »[29] — se caractérise par la mise jeu des quatre pôles du théâtre. Le pôle des auteurs et celui des textes, celui des metteurs en scène et de la mise en scène, celui des acteurs et de la question du jeu, celui des spectateurs et de la réception. Il me semble intéressant de dissocier ainsi les personnes et les fonctions au sein de chaque pôle car c’est ce qui se passait effectivement dans les Naissances et qui a permis de créer des conditions de travail où l’inattendu a pu surgir. Sur onze années les fonctions ont été occupées par beaucoup de monde, et chaque fois le visage, la tonalité du spectacle en étaient changés. Ainsi, Annie Lucas a souvent dû reprendre et réadapter pour les tournées les mises en scène des autres metteurs en scène qui étaient là seulement pour la création. Des textes sont partis en tournée de manière autonome en dehors du cadre des Naissances comme L’Apprentissage de Jean-Luc Lagarce (mis en scène par Annie Lucas, interprété par Laurent Javaloyès). Des auteurs sont venus qui ont découvert la puissance théâtrale potentielle de leur texte alors même qu’ils pensaient écrire tout autre chose que du théâtre : c’est le cas du Russe Lev Rubinstein, qui découvre sidéré en mars 2000 la mise en scène de son texte Ça c’est moi par Robert Cantarella, interprété par Delphine Simon[30] Parallèlement,  la réflexion sur le fonctionnement de ces quatre pôles a toujours accompagné les créations (cf. supra les Conversations et séminaires dramaturgiques).

Ce souci d’une structure formelle au sein de laquelle ont circulé près d’une centaine de textes et plus d’une centaine d’artistes, qui à chaque fois étaient replacés face à la question de savoir comment faire jouer ensemble les quatre pôles, ce souci donc, a permis de tenir dans la durée tout en ne refaisant jamais les mêmes spectacles. En d’autres termes, une structure suffisamment forte était nécessaire pour supporter d’être régulièrement renourrie — au risque d’être déstabilisée — par les changements d’équipe, de textes, de lieux, de publics. Pour faire fonctionner cette machine théâtrale la forme courte était nécessaire, il eut été impossible de mener autant d’expérimentations avec des textes d’une heure trente. La brièveté permettait la mise en place d’un laboratoire des formes où les quatre pôles pouvaient être fréquemment réinterrogés sans craindre de mettre à plat l’ensemble du spectacle. La brièveté permettait la multiplicité des agencements, la recherche de combinaisons inédites.

C’est pourquoi le point d’aboutissement de ces atomisations des codes par la brièveté relève bien au bout du compte d’un « débordement des définitions ». Mais contrairement à ce que dit Fichet, ce n’est pas la définition du texte court et du texte long qui est débordée, c’est plutôt la définition de la « grande pièce » et de la « petite pièce », au sens qualitatif, la question du format, elle, reste indépassable. L’enjeu était donc plutôt de parvenir à dissocier l’aspect qualitatif de la taille du format. C’est le possible dépassement des attendus traditionnels du format court qui était en jeu dans les Naissances. Le second point que l’on peut relever dans ces propos de Roland Fichet, c’est l’espoir que l’agencement de formats spectaculaires courts peut à sa façon composer un récit pour le spectateur. De la même façon que le lecteur peut vagabonder dans un recueil de textes brefs, le spectateur des Naissances est invité à circuler de texte en texte pour, au bout du compte, fabriquer son propre récit[31]. C’est ce que notait Jean-Marie Piemme :

Le premier intérêt des Naissances est peut-être là : faire sentir concrètement au spectateur qu’un texte est pleinement vivant quand retentissent en lui d’autres textes, le texte des autres. On ne joue pas seulement sur la scène, on occupe tout le bâtiment : théâtre de la cave au grenier ! Conséquence immédiate : l’exploration des textes s’accomplit dans une exploration des lieux, le spectateur est littéralement arraché de sa place, son corps et son esprit sont soumis au voyage. Le spectateur devient pleinement un promeneur qui flâne au jardin du théâtre. Le spectateurpromeneur écoute la diversité des textes, des cent manières de décliner le thème de la naissance, et d’un texte à l’autre, il tisse des fils invisibles, il trace les figures d’opposition ou de complémentarité, il fait famille de ceci et de cela, il inclut, il exclut, bref, dans le réseau qu’il construit, il se donne un ordre, son ordre, il se fait sa naissance particulière[32].

Cette idée que le spectateur compose son propre réseau de sens au fil des propositions nous ramène à l’idée déjà évoquée du changement d’échelle de la perception. C’est en substance ce qu’explique ici Roland Fichet :

La schize se déplace. Au lieu d'avoir des répliques on a des formes brèves côte à côte. Si je dispose 15 formes brèves en 3 paquets de 5 je fais une pièce de théâtre qui a 15 morceaux[33].

En un sens on peut dire que les Naissances poussent le spectateur à fréquemment changer d’échelle : à l’écoute d’un texte, il se trouve à faire sens à l’échelle des mots ; au fil du parcours, il se trouve à faire sens en agençant les différents textes et moments spectaculaires qu’il traverse. C’est en produisant cet aller-retour incessant, qui postule un spectateur dynamique, que les dispositifs à géométrie variable dont parle Fichet trouvent leur pleine efficacité théâtrale. C’est dans ces changements d’échelle que le format court trouve sa dynamique spécifique. On retrouve en fait cette idée d’un processus fractal évoqué dans le chapitre précédent : les Naissances réclament un spectateur fractal.






[1] Document interne, base dramaturgique du Théâtre de Folle Pensée.
[2] Les dates données sont celles des créations. Nous ne notons pas les tournées en France et à l’étranger qui ont lieu entre chaque nouvelle étape de création. Pour plus d’informations sur les détails de tournée voir www.follepensee.com, puis le menu déroulant « spectacles ».
[3] Ce dernier ne se contentera pas de son rôle de traducteur puisqu’il écrira en 1994, sous le pseudonyme d’Ilia Koutik, auteur russe inventé, le texte intitulé Discours sur la nature du cri et la naissance en tant que telle.
[4] Entretien avec Robert Cantarella du 13 février 2002, réalisé par Alexis Fichet et Alexandre Koutchevsky.
[5] Intitulé générique des textes et spectacles commandés à un groupe de jeunes auteurs et metteurs en scène (Carole Aubrée-Dumont, Marine Bachelot, Garance Dor, Alexis Fichet, Gianni-Grégory Fornet, Alexandre Koutchevsky, Juliette Pourquery de Boisserin, Laurent Quinton, Nicolas Richard, Éléonore Weber), auxquels il faut ajouter les auteurs africains suivants qui ne pouvaient assister aux séances de travail à Saint-Brieuc mais qui ont écrit pour les Pièces d’identités : Gustave Akakpo, Ousmane Aledji, Alfred Dogbé, Dieudonné Niangouna, Kouam Tawa.
[6]Les commandes se sont faites de visu, par téléphone ou par lettre. Chaque commande était rémunérée 3000 francs.
[7] Extrait d’un entretien avec Roland Fichet réalisé en juillet 2002 par Marine Bachelot, Maud Bernard-Griffiths, Alexandre Koutchevsky, Laurent Quinton, dans le cadre du travail d’analyse des Naissances mené par le Théâtre de Folle Pensée.
[8] La coïncidence entre les durées croissantes et la progression dans le temps (ici de 1992 à 1999) n’est justement qu’une coïncidence : on ne remarque pas que la durée des textes reçus au fil des commandes dans la décennie va croissante ; ni non plus d’ailleurs le phénomène inverse (une réduction). Globalement les textes très courts ou très longs, comparés à la durée étalon de vingt minutes, sont très minoritaires.
[9] Mise en scène et ad libitum de Reconstitution par Julie Brochen et Robert Cantarella en 1998 à Nîmes au cours du spectacle Naissances Nouveaux mondes. Les spectateurs finissaient par sortir épuisés ou irrités au bout de la troisième, quatrième, cinquième boucle. Philippe Minyana explique le mouvement d’impulsion de Reconstitution : « Je voulais répondre à Troyes de Marlene Streeruwitz, sur cette non-maîtrise du temps théâtral où tout à coup il est possible de le doubler, tripler, quadrupler. Ce qui m’intéressait c’était ce mouvement ad libitum, inépuisable, rotatif. » Entretien avec Philippe Minyana du 1er août 2002.
[10] Entretien avec Noëlle Renaude du 14 juin 2002. Des extraits de cet entretien figurent en annexe.
[11] Entretien avec Rodrigo Garcìa du 12 janvier 2003 réalisé par Marine Bachelot, Alexis Fichet, Ella Fuksbrauner, Alexandre Koutchevsky. Le texte de Garcìa écrit pour Les Naissances, issu de ce carnet de voyage au Portugal, s’intitule Vous êtes tous des fils de putes.
[12] Entretien avec Roland Fichet du 26 août 2006. Ces petits textes sont publiés pour partie dans le recueil des Petites comédies rurales, op. cit. et dans les Micropièces, op. cit.
[13] Entretien avec Noëlle Renaude du 14 juin 2002.
[14] On pourrait ainsi conduire toute une analyse sur les conséquences de ce « votre » dans l’aspect biographique — et souvent autobiographique — de bon nombre de textes répondant à la première commande. Ainsi Jean-Marie Piemme qui répond au pied de la lettre avec Récit de ma naissance ou Christian Rullier qui, racontant également la sienne, intitule son texte Par le cul.
[15] Alors rejoint pour m’aider à la tâche par Marine Bachelot et Laurent Quinton, également doctorants à l’époque à l’Université Rennes 2.
[16] Générique des Naissances (ce générique est incomplet puisqu’il exclut les traducteurs, les assistants à la mise en scène, les techniciens, éclairagistes, scénographes, cuisiniers, etc.) : Les 48 auteurs mis en scène : [France] Catherine Anne, Gilles Aufray, Michel Azama, Sylvie Chenus, Eugène Durif, Roland Fichet, Adel Hakim, Jacques Henric, Joël Jouanneau, Paol Keineg, Jean-Luc Lagarce, Madeleine Laïk, Sophie Lannefranque, Philippe Minyana, Jean-Bernard Pouy, Jean-Michel Rabeux, Noëlle Renaude, Yves Reynaud, Christian Rullier, Pierre Ryga, Valérie Schwarcz, Michel Simonot, Serge Valletti, Éléonore Weber • [Algérie] Slimane Benaïssa • [Allemagne] Manfred Karge, Lothar Trolle • [Argentine] Ricardo Monti, Alejandro Tantanian, Patricia Zangaro • [Autriche] Marlene Streeruwitz • [Belgique] Jean-Marie Piemme • [Canada] Louise Bombardier • [Chili] Marco Antonio de la Parra • [Espagne] Rodrigo Garcìa, Borja Ortiz de Gondra • [Grande-Bretagne] Howard Barker • [Italie] Antonio Tarantino • [Norvège] Jon Fosse • [Russie] Éléna Baïevskaïa, Mikhaïl Iasnov, Ilia Koutik, Lev Rubinstein, Alexei Schipenko • [Togo] Kossi Efoui • [Turquie] Memet Baydur • [Uruguay] Carlos Liscano • [USA] José Rivera. Les 51 auteurs des autres textes reçus : [France] Michel Bonjour, Dominique Cier, Hubert Colas, Joseph Danan, Jean-Paul Farré, Fernand Garnier, Moni Grégo, Christophe Huysman, Jean Kergrist, Patrick Kermann, Lucrèce La Chenardière, Anne Louarn, Fanny Mentré, Ricardo Montserrat, Isabelle Normand • [Allemagne] Igor Kroitzsch, Anna Langhof, Albert Ostermaïer, Simone Schneider, Stefan Schütz, Titus Selge, Michaël Wildenhain • [Argentine] Rafael Spregelburd • [Australie] Daniel Keene • [Autriche] Elfriede Jelinek, Felix Mitterer • [Belgique] Jean-Luc Outers • [Canada] René Gingras • [Chili] Benjamin Galemiri • [Danemark] Line Knutzon, Jokum Rohde, Morti Vizki • [Espagne] Antonio Fernandez Lera, Rodolf Sirera, Alfonso Zurro • [Grande-Bretagne] Grégory Motton, James Stock • [Italie] Ruggero Cappuccio, Eduardo Erba, Francesca Mazzucato, Valeria Moretti, Enzo Moscato, Raul Montanari, Spiro Simone • [Pays-Bas] Don Duyns, Mike Sens, Karst Woudstra • [Portugal] Luisa Costa Gomez • [Suisse] Urs Widmer • [Tunisie] Lassaâd Ben Abdallah • [Uruguay] Alvarado Ahunchain • [USA] Keith Waldrop. Les 11 metteurs en scène : Julie Brochen, Robert Cantarella, Frédéric Fisbach, Adel Hakim, Jean-Louis Jacopin, Annie Lucas, Stanislas Nordey, Jean-Michel Rabeux, Frédérique Loliée, Renaud Herbin, Julika Mayer. Les 48 acteurs : Jean-François Auguste, Massimo Bellini, Maria Bergès, Nadine Berland, Pierre Blain, Jean-Marie Blin, Jean-Claude Bonnifait, Christophe Brault, Julie Brochen, Christine Budan de Russé, Angélique Clairand, Priscille Cuche, Séverine Debels, Jean-Paul Dubois, Rozenn Fournier, Jeanne François, Philippe Gaullé, Renaud Herbin, Olivier Hussenet, Julien Israël, Laurent Javaloyes, Patricia Jeanneau, Anne Klippstiehl, Arnaud Laurens, François Le Gallou, Serge Le Lay, Frédérique Loliée, Annie Lucas, Monique Lucas, Alain Macé, Alexandra Masbou, Julika Mayer, Laurent Meininger, Alain Meneust, Mathieu Montanier, Annick Perona, Karim Qayouh, Aladin Reibel, Fabienne Rocaboy, Élise Roche, Anne Rotger, Delphine Simon, Emmanuelle Tertipis, Paul Tison, Okon Ubanga-Jones, Érika Vandelet, Philippe Vieux, Charlie Windelschmidt. Les six dramaturges : Marine Bachelot, Olivier Hussenet, Alexandre Koutchevsky, Fabienne Lacouture, Pierre Ryga, Éléonore Weber.
[17] Le journal du Théâtre de Folle Pensée de février-mars 2000, publié à l’occasion du spectacle Le Chaos du nouveau, est sous-titré « la fête du théâtre inhabituel ». Si l’expression sonne de manière publicitaire, elle témoigne en tout cas de cette volonté des organisateurs des Naissances de déplacer les codes d’une certaine idée de la représentation théâtrale : celle qui convoque le public dans la salle habituelle pour un spectacle de durée traditionnelle (entre 1h30 et 2h). Ces fils partagés qui courent pendant onze ans de spectacles en créations, de rencontres en discussions publiques, tissent, selon une expression couramment employée par Roland Fichet, une « communauté invisible ». Disons plutôt que cette communauté passe régulièrement par des phases de visibilité qui correspondent aux périodes des spectacles.
[18] Une partie de ces productions est en ligne sur le portail Naissances du site du théâtre de Folle Pensée : http://www.follepensee.com/follepensee_html/texte/naissance_portail.html. On y trouve >également l’ensemble des revues et dépliants consacrés aux Naissances depuis 1991.
[19] 15 participants aux premières Conversations de Binic en juin 1991, 9 participants aux Conversations des Jonquerettes en juillet 1992, 93 participants aux premières Conversations de Saint-Brieuc en mai 1994, 43 participants aux Conversations de Villeneuve d’Ascq en mai 1995, 63 participants aux secondes Conversations de Saint-Brieuc en novembre 1996, 95 participants aux Conversations de Nîmes en juin 1998, 31 participants aux secondes Conversations de Binic en juin 2000.
[20] Les Cahiers de Prospéro, n° 6, op. cit. Les Conversations de Villeneuve d’Ascq se sont ainsi beaucoup appuyées sur l’impulseur « Ce qui naît, ce qui meurt ».
[21] La compagnie existe depuis 1978 mais ne possédant plus de lieu de répétition depuis 1996, a dû trouver des accords avec la Scène Nationale de La Passerelle à Saint-Brieuc pour répéter dans ses salles de théâtre.
[22] Pour le détail des 22 institutions nationales partenaires à un moment donné du projet Naissances voir http://www.follepensee.com/follepensee_html/texte/naissance_spectacles.html
[23] Équipe dramaturgique citée précédemment à laquelle il faut ajouter Patrice Rabine, l’administrateur du Théâtre de Folle Pensée.
[24] Ces deux cas sont aussi deux rencontres : Anne Rotger continuera à travailler avec le Théâtre de Folle Pensée après 1995, et Laurent Meininger, comédien pendant Le Chaos du nouveau en 1999, travaillera avec Stanislas Nordey après les Naissances.
[25] Entretien avec Roland Fichet du 26 août 2006.
[26] Jean-Marie PIEMME, « Quelque chose de forain», in Journal du Théâtre de Folle Pensée, n° 9, « Centre de création », janvier 2002. Ce numéro se présente sous la forme d’un dépliant, il n’a pas de pagination.
[27] Roland FICHET, Yeux, op. cit.
[28] Entretien avec Roland Fichet du 26 août 2006.
[29] Le terme vient de l’ouvrage de Gilles DELEUZE, Francis Bacon : logique de la sensation, Paris, éditions de la Différence, 1981.
[30] Ça c’est moi de Lev RUBINSTEIN est un texte en fait constitué de plusieurs dizaines de petites fiches. Sur chacune d’entre elles est écrite une phrase. Recevant le texte traduit sur un format A4 traditionnel, les phrases les unes à la suite des autres, personne parmi l’équipe de création ne se doutait que la forme originale du texte était celle de fiches à lire les unes à la suite des autres. Dans la mise en scène les spectateurs étaient assis au milieu d’un décor de vieux meubles, bibelots envahissants en tous genres, et la comédienne circulait parmi eux, une oreillette lui dictant le texte enregistré sur un petit lecteur dissimulé sous ses vêtements. Voyant cela, Lev Rubinstein a décidé d’adapter ses poésies en fiches à la possibilité de la représentation. Il a immédiatement donné une lecture de ses fiches dans l’espace scénographié du spectacle.
[31] La différence avec la lecture étant que le spectateur n’est pas maître de sa chronologie, il est embarqué dans la poétique du parcours, charge à lui d’y tisser la trame qu’il souhaite. On retrouve la présence d’une structure prélable comme marque de fabrication des spectacles Naissances.
[32] Jean-Marie PIEMME, « Le Spectateur-promeneur », in Journal du Théâtre de Folle Pensée, n° 9, op. cit. (dépliant).
[33] Entretien avec Roland Fichet du 26 août 2006.